Run!!! 2 eme partie
J’avais
confiance en cette fille, car Tesla Girl et moi bossions ensemble depuis que je
venais régulièrement à Seattle. Je l’avais rencontrée dans les Forces
Européennes de l’Ouest, durant le conflit qui avait ravagé l’Europe de Londres
à Moscou. Avec elle et mes potes, on faisait partie des groupes d’Interventions
de l’Infanterie. En gros, ils nous
blindaient de matos cyber et d’améliorations physiques, et nous lançaient au
charbon, avec quelques drones de surveillance ou de combat en renforts.
la RoyalAirLa
decker chargée de la couverture sur la
matrice était une Russe (Tesla Girl), et les soldats étaient un Français (moi),
et des ex-paras de la Royal Air Force (les barjos à côté). Les coups durs nous ont rapproché, malgré nos
différences. A la fin de la guerre, notre groupe était réduit de moitié.
Une
boîte de sécurité de Seattle nous contacta pour nous proposer un poste en tant
que brigade d’intervention. La reconversion était intéressante et bien payée.
Coincé à l’hôpital militaire suite à notre dernière mission, je décidais de les
rejoindre dès que je pouvais. Mais arrivés là-bas, notre employeur fit
faillite, laissant mon équipe avec des frais et sans boulot. Plus qu’une seule
direction possible : les ombres. Après avoir profité des fins de stock
d’améliorations physiques des médics militaires, je choisis de regagner ma
ville natale, Paris. De
temps en temps, je revenais voir mes anciens camarades devenus runners
américains.
Après
cet entretien avec l’elfe, le rendez-vous eu lieu deux jours plus tard dans une
arrière-salle du Club Hoden. Je passai à côté de la file d’attente et fit un
signe de tête au troll qui gardait l’entrée. Pas de fouille, cool : tout
mon matos était planqué sous mon blouson en cuir. Regard sur l’horloge interne
de ma rétine : une heure d’avance, pile à l’heure. Descendant au premier
sous-sol, le club enfumé à l’ambiance sombre me renvoya ma mauvaise humeur. Je
détestais cet endroit, mais la boîte appartenait à un contact à qui j’avais
rendu quelques services, ce qui me garantissait d’être en sécurité ici pour
parler affaires. Je saluais mon pote Hammer.T. au bar, qui me tendit deux
cocktails en me faisant un signe de tête vers un box au fond de la salle.
Prenant les verres, je traversais la foule qui dansait sur le son médiocre du
groupe de rock ork à la mode, « les briseurs de crânes ». Super.
Je
m’assis sur la banquette face à Tesla Girl (Tess pour les amis), mes yeux Jikku
faisant le point afin de discerner la personne face à moi, malgré les flashs de
lumière brisant l’ombre du box. Un minois avenant, aux traits fins reflétant
son héritage slave, une silhouette fine (une elfe quoi ! La gobelinisation
est impitoyable : si t’es chanceux à la naissance tu tombe sur l’ADN elfe,
et si c’est ork ou troll, et bin tu seras pas mannequin).
Sa mini jupe bleue fluo, ses bas résilles et ses
cuissardes m’asséchèrent la bouche. Buvant un coup pour me calmer, je relevais
la tête pour croiser son regard…des yeux froids, aussi durs qu’une puce
optique. Reposant mon verre, je tirais de mon blouson deux
émetteurs-récepteurs, dont je tendis un exemplaire à ma voisine.
la
Matrice.Sans
rien dire, elle se leva et installa son joli corps sur un fauteuil face à un
cyberdeck, dans un des recoins calmes de la salle. Hammer avait prévu dans son
bar une salle plus tranquille, à côté de la piste de danse. On y trouvait
quelques fauteuils séparés par des cloisons (comme le box où j’étais assis), et
une longue table en bois le long du mur, sur laquelle étaient alignés des decks
pour se connecter au calme à la Matrice
Au
bout d’une heure, la voix désincarnée de Tess m’annonça dans
l’oreillette :
« William Ager arrive. Je
le vois sur la caméra de surveillance de l’entrée de la discothèque. »
Je me redressai sur mon siège,
attendant la suite.
« Il semble seul, précisa
la decker. » J’appréciai imédiatement un peu plus Ager :
« Ce type a des cojones, commentai-je. Il joue à fond la carte du corpo de base, pour
coller à sa fausse identité. Pas mal de se pointer sans gardes pour un
gros-bonnet d’une méga-corpo ».
Quand il se pointa, je faillit
éclater de rire. Le gars faisait vraiment bien semblant d’être un Johnson de
base : les fringues, les gestes, l’attitude. Il se donnait vraiment du mal
pour faire tenir sa couverture. Mais Tesla Girl avait découvert son identité,
révélant un corpo bien plus malin que le type pour qui il voulait se faire
passer. OK, hombre. A malin, malin et
demi.
Je le
pris au mot, faisant semblant de le prendre pour un amateur, et il fit semblant
de me prendre pour de la racaille. Il me tendit un lecteur de puces d’une main
parfaitement manucurée. Me renfonçant dans mon siège, j’appuyais sur
« Play ». Des données sur un labo de recherches biologiques appartenant
à l’Université de Seattle, les plans des bâtiments, et l’objectif : un
disque dur.
la MatriceTout
ça défilait sous mes yeux, dont l’interface neurale transmettait toutes les
infos à Tesla Girl par l’intermédiaire de mes émetteurs made-in EuroForces (après
tout les camarades et les litres de sang que j’avais perdu en servant dans leur
armée, j’étais pas parti avant de les avoir allégé d’un peu de matos). On discuta un peu de l’opération,
histoire de laisser du temps à Tess de faire quelques recherches via la Matricesur ce labo. Les
rumeurs sont vraies : Ager est un gros facho, alors je vous épargne ses
idées brillantes sur comment remettre la société et les méta-humains (orks,
elfes, nains, etc ) dans le droit chemin, et mes réparties cyniques. Par plaisir, je lui fit péter un peu plus une
durite en lui signalant que mon équipe comptait une elfe, et qu’il allait donc
donner son précieux fric à une méta-humaine.
Mon
oreillette crépita :
la Matrice.« Nik,
j’ai fini mes recherches préliminaires : pas de coup fourrés apparents, ça
à l’air faisable. Ses infos sont correctes, j’ai à peu près les mêmes sur la Matrice » On parla
alors du prix. Même si son offre était déjà foutrement généreuse, je la
multipliait rapidement par deux, et Ager joua bien son rôle : regard
ulcéré, cravate desserrée, indignation. Je le laissait débiter son petit laïus
typiquement corpo (bon sang ce mec est fort, il joue vraiment bien le petit
Johnson de base). Mais nous savions tous les deux qui il était vraiment, et que
même doublée, son offre ne représentait rien pour une société qui générait des
milliards de bénéfices. Pas question de descendre le prix , mec.
Une
fois d’accord, il me tendit deux créditubes pour un gros acompte, et se leva en
me donnant rendez-vous le lendemain même heure. Dernier rappel classique :
fallait qu’on fasse ça dans la plus grande discrétion. Com d’hab.
Une
des raisons pour laquelle Tesla et moi avions bien accroché avec lui, même si
c’est le plus irritant de putain de facho de merde qui ait jamais foulé le sol
ricain, c’était que nous étions confiants dans les recommandations des indics
de Seattle. Mais il faut faire attention : un corpo reste un corpo. Même
si neuf boulots sur dix qu’il donne seront réglo, au dixième le corpo te niquera
la gueule par tous les moyens. Priez pour pas tomber sur le dixième.