L'étang de verre: 5 eme partie
Des rafales de sable et de poussière soufflaient sur la pierre blanche
érodée par les siècles. Crystenna « la double » se pelotenna dans son
manteau de mage et frissonna sous le vent glacial. La nuit était d’un
froid extrême, comparée à la chaleur régnant dans les tunnels et les
cavernes s’étirant sous la surface. Le vent gémissait inlassablement
dans les ruines pour aller se perdre au milieu des arbres.
Une ancienne
et splendide tour s’était dressée autrefois à cet endroit. Les toits
brisés et les murs branlants évoquaient l’aspect initial de ce
bâtiment, depuis longtemps tombé. De grands remparts dressaient encore
leurs bases face à l’avancée de la forêt et les fondations des tours
perçaient au milieu de la végétation.
En d’autres circonstances, Crystenna aurait pu errer des journées
entières dans la forêt à parcourir les ruines de cette cité, mais un
mystère bien plus grand et inquiétant occupait pour l’instant son
esprit. Les sous-sols de la tour étaient le départ vers l’ombre terre…
Sur le plan intellectuel, elle avait réussi à se représenter les
tunnels, la végétation, les habitants des profondeurs, l’obscurité, et
le silence. Mais le voir et le vivre était véritablement une autre
expérience.
Au sortir de sa formation, elle avait directement été
embauchée par les Griffes Noires. Pour une première expérience en
dehors du laboratoire de son maître, c’était assez effrayant. La
routine quotidienne des études et la chaleur de la tour du mage avaient
disparus.
Quelques jours plus tard elle avait vu des sorciers mourir
par dizaines, des créatures démoniaques s’en prendre à ses compagnons,
et son autre était morte emportée par la magie. Ses camarades s’étaient
révélés bien plus doués qu’elle. Elle devait faire le deuil de cette
époque insouciante et prendre le dessus, être plus sûre d’elle. Les
Griffes Noires attendaient mieux de sa part.
Avec un soupir, Crystenna s’arracha à ses pensées sombres et se
releva. Elle était plutôt grande pour une humaine, elle mesurait
presque un mètre quatre-vingt, et était « mince comme un bâton de mage
». Elle n’était pas aussi séduisante que sa soeur, mais ses traits
mélaient timidité et caractère, ce qui intriguait toujours les hommes.
Le vent souffla dans son manteau en essayant de lui arracher, et la
flamme magique de son bâton crépita. Elle rejoignit silencieusement ses
compagnons. Ils étaient pelotonnés à l’abri d’un des murs de la « Tour
brisée », dans une petite cour.
Les ruines désolées se dressaient dans
la nuit. Seule la tour principale avait survécu au passage du temps,
mais les fondations indiquaient que l’édifice avait été jadis le lieu
d’une puissante organisation. Une arche de pierre pâle se dressait au
bas de l’édifice principal, une arche menant aux étranges tunnels
d’Ombre Terre, et à la cité de l’Etang de Verre.
C’était par cette
porte que les Griffes Noires menaient leurs proies aux créatures des
profondeurs, et par là aussi qu’ils étaient remontés afin de décider de
la marche à suivre.
Elle s’arrêta un instant et regarda ses compagnons…
Elle s’arrêta un instant et regarda ses compagnons…
Son familier était endormi gracieusement à proximité, près du feu. Il
pouvait tout aussi bien somnoler ou attendre la suite des évènements.
Dix ans plus tôt, lors du rituel d’invocation de son familier, un
portail sur un plan peu connu s’était ouvert. Rako était apparu, en
tant que servant, par l’aide de la puissance du sort et du lien
magique.
Comme elle, jeune, intelligent, loyal et ambitieux, le
dragonnet rouge avait immédiatement été un ami irremplaçable. Crystenna
ne pouvait toutefois pas deviner ce que pouvait cacher l’intelligence
acérée de son familier, mais elle se sentait réconfortée par sa
présence et par son dévouement envers elle.
Ses 4 autres compagnons étaient autour du feu.
Farayenel
l’ambigü(e) était assis(e), perdu(e) dans ses pensées, pelotonné(e)
dans sa cape pour se protéger du froid humide de la forêt. Chef de la
compagnie des Griffes Noires, mage accompli et guerrier émérite,
Farayenel dirigeait leur groupe. Il n’était évidemment pas l’ami(e) de
ses compagnons, mais bien leur chef. Cet elfe se montrait impitoyable,
ambitieux. La jeune femme l’avait vu intriguer et mentir avec succès à
des créatures aussi puissantes que les aboleths ou à « La Prison » et
ses mercenaires .Qui aurait bien pu aller à l’encontre d’une telle
force ?
A bien des égards, Farayenel était l’exemple même de l’elfe (mâle
ou femelle), un individu puissant qui combinait l’intelligence et la
beauté physique, une force de caractère et une nature indépendante. La
lumière de la lune éclairait sa chevelure bleue et jouait avec les
reflets pourpre de son armure. Crystenna était le mage des Griffes
Noires mais elle savait qu’elle devait rester vigilante avec Farayenel.
Au moindre échec, l’ambigü(e) pouvait décider qu’elle ne lui était plus
utile. Et au vu de la quantité d’objets magiques qu’il portait, elle se
doutait de l’issue d’une telle confrontation.
La (le) mage guerrier possédait l’appui inconditionnel de
l’imposant Haragswald, un haut prêtre de Cyric, Dieu des mensonges.
L’humain était un ancien membre du cercle Cyrinishiste des royaumes
barbares du Nord. Son grade élevé dans l’église de l’Unique leur
garantissait argent et informations où qu’ils aillent. Haragswald « le
Bossu » était moins grand que ses compagnons, Prentyss mis à part, mais
sa présence écrasait même la grande taille du barbare. Le prêtre était
vêtu en permanence d’une armure de plates noires, incrustée de milliers
de petits soleils argentés, d’une masse d’arme qui semblait faite
d’ombre, et d’un bouclier doré. Mais ce n’était pas son équipement qui
le rendait si impressionnant, mais plutôt l’aura maléfique qu’il
dégageait, comme s’il amenait avec lui une ouverture sur les plans
infernaux.
Ses traits étaient assez quelconques, une grimace barrant en
permanence son visage pâle, et une bosse relevait son épaule gauche. Le
Bossu faisait preuve d’une loyauté déconcertante envers ses compagnons,
qui contrastait avec son caractère impitoyable et cruel. Crystenna ne
le craignait pas tant qu’elle aurait la faveur de Farayenel, car « Le
bossu » était l’ arme favorite de l’elfe.
La silhouette imposante du barbare projetait des ombres sur le mur.
Assis au coin du feu, ses longues jambes étendues devant lui, comme à
son habitude il faisait la conversation. Il nettoyait ses habits de
peau pendant que le feu réchauffait ses pieds nus. Tloff était un
guerrier aux talents immenses. Elle en avait été témoin souvent car il
n’aimait rien tant que se battre et raconter ses batailles. Il était le
seul électron libre du groupe, sa nature irrévérencieuse et libre
frôlait souvent la rébellion. Tour à tour éclaireur, arrière garde,
soldat de première ligne, cet homme était d’une grande utilité aux
Griffes Noires, avec lesquels il semblait passer du bon temps.
Le dernier membre du groupe était le voleur Prentyss dit « l’affûté
». Homme discret de petite taille, assez âgé, il parlait peu mais sa
vigilance était constante. Précieux dans les tâches propres aux
roublards, il ne s’intéressait pas aux machinations imaginées par ses
compagnons, et faisait dernièrement tout ce qui était en son pouvoir
pour rester hors des décisions du groupe. Il avait été gravement
blessé, et malgré les soins de Haragswald, il restait de mauvaise
humeur et semblait faible. Mais que penser d’une personne habituée à
tromper son monde ? Pour le moment Prentyss était accroupi à côté du
tas de bois sec dont il se servait pour alimenter le feu.
Crystenna s’avança dans le cercle de lumière du feu de camp…