Run!!! 10 eme partie
Le
lendemain, je retournais au bar Hoden où on devait finaliser le deal avec Ager.
J’y allais cette fois ci couvert par Mark et les autres. On avait failli se
faire choper, et je savais à qui la faute. Je m’attendais pas à ce que le Johnson
encaisse sans broncher l’enguelon que j’allais lui mettre. Alors je couvrai mes
arrières.
Ce
coup-ci, William Ager ne se pointa pas seul. La fille qui l’accompagnait était
une pro, sûrement un officier des forces
armées de Novatech Industries. Le mec savait que j’allais lui rentrer dedans,
alors lui aussi avait amené du renfort. Elle garda un œil sur la salle, et une
main dans son blouson. Tendue, elle semblait prête à sauter à la gorge de qui
lui semblerait suspect.
Dès
qu’Ager s’assit dans le box, je lui jetai toute ma colère à la figure. Je
l’accusai d’une voix dure :
-Vous
nous avez fait risquer risquer nos vies sur un manque d’information. Si on
avait su que le disque dur était protégé par une alarme interne, on aurait
craqué cette alarme.
Je le
fixai droit dans les yeux, martelant mes arguments :
-A
cause de ça, on a eu Shiawase aux fesses.
Vous
imaginez bien sa réaction : calme, froide, typiquement corpo. D’une voix
parfaitement modulée, il répondit :
-Vous
n’avez pas eu de pertes humaines que je sache, répondit il de sa voix
parfaitement maîtrisée. De plus je crois avoir compris que Shiawase a perdu votre trace. Je ne voit pas où est votre problème, conclut-il
d’un air détaché.
Salaud.
Par
contre il revint sur les termes de notre accord :
-Selon
moi, poursuivit-il en se penchant en avant, cela serait plutôt à moi de me
plaindre (de quoi ? il veut vraiment que je lui rentre dedans ?) : votre manque de discrétion a
mis en danger les projets de mon entreprise. Vous auriez pu ne pas réussir à ramener les données. Pause dramatique. Ce qui aurait pénalisé
gravement l’avancement des recherches de la société pour laquelle je travaille (Il se foutait royalement que notre équipe de
quatre personnes aurait pu crever. Sans compter les gardes corpos qu’on avait
du buter).
S’adossant
à son siège, il conclut un ton plus bas :
-Je
parlerai même de manquement au contrat…
Je
vous détaille pas ma réponse, qui fut TRES imagée. Il encaissa mes insultes
sans broncher, contrairement à son garde du corps qui se crispa dangereusement.
Plus
qu’une solution : arriver à un accord.
Après
de longues minutes de négociations, nous arrivâmes à un résultat. Comme on
n’avait pas été discrets et failli tout faire foirer, il baissait notre
rémunération. En échange, il nous couvrait en lançant Shiawase sur une fausse
piste. Je pris les créditubes, et me levait sans plus le regarder.
Au
final, les deux parties étaient satisfaites.
Ager
avait ses données. Il allait pouvoir ajouter un succès supplémentaire à l’actif
de son département. La somme pour
laquelle il avait obtenu les infos était bien inférieure à ce qu’aurait coûté à
Novatech des années de recherches. Pour lui, l’opération était un succés.
Quand
à moi, j’avais joué au méchant garçon, juste pour lui mettre la pression. On
savait très bien ce qu’on risquait en bossant pour un Johnson, et en attaquant
une mégacorpo. On avait tenté, et on s’en était pas trop mal sorti. Alors mon
numéro du bad-boy en colère n’avait été que pour me défouler. Même réduit de
moitié, la paye était largement suffisante.
Tout
en m’enfonçant dans les rues de Seattle, je refaisais mentalement les comptes.
Le run d’hier soir allait me permettre de payer mes associés, plus un bonus
pour chacun. J’allais rester discret quelques jours pour laisser passer
l’orage. Puis après on verrait. Soit je prolongeais mon séjour, soit je me
dégotais un passeport pour rentrer en France. On verra bien.
Je
m’enfonçais dans les ombres des ruelles, finalement content du résultat de ce
run, et puis on dit qu’une bonne shadowrun est celle dont on se sort vivant.
...FIN...